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Éte chaud et sec : que risque-t-on cet automne ?

AFP / Philippe Desmazes

L'été météorologique se termine le 31 août. Même s'il reste quelques jours, nous pouvons déjà conclure que celui-ci s'annonce plus chaud que la normale sur notre région.  Outre les records de chaleur, c'est aussi la sécheresse qui a marqué cet été 2017. En effet, au 23 août la situation est toujours délicate sur la moitié Est de la France et plus particulièrement sur le quart Sud-Est.

Source : Météo-France

C'est dans ce cadre que vous êtes très nombreuses et nombreux à craindre la saison automnale malheureusement connue pour ses épisodes diluviens générant des inondations parfois dramatiques. La chaleur et la sécheresse peuvent-elles annoncer un risque d'inondations dans les prochains mois ? Le risque orageux est-il plus important que la normale ? L'article ci-dessous vous apportera des éléments de réponse.

I - La forte chaleur, favorise-t-elle les épisodes cévenols et méditerranéens ?

Avant de réponse à cette question, il faut analyser les diverses questions sous-entendues dans celle-ci.

- La première est : est-ce qu'une température anormalement chaude précède toujours des orages violents ? La réponse est : non, pas forcément. Pourquoi ?

Il faut avant tout comprendre le fonctionnement d'un orage. Nous ne rentrerons pas dans l'ensemble des détails mais un des éléments est le contraste thermique. Il faut de l'air chaud en basses couches venant se confronter à de l'air froid en altitude. Sur ce point, oui le fait d'avoir de fortes chaleurs est un des ingrédients pour avoir des orages. Toutefois, pensez-vous qu'une voiture possédant 4 roues mais pas de moteur pourrait rouler ? Non, bien évidemment. Le principe est le même pour les orages. Avoir de l'air chaud ne suffit pas à déclencher à lui seul des orages violents. Si la situation météorologique n'est pas favorable, qu'il fasse 40°C ou 10°C n'influencera aucunement le risque orageux.

- Deuxième question : une mer chaude favorise-t-elle les épisodes fortement pluvieux ? La réponse est la même : non !

Encore une croyance qui ne s'avère pas tout à fait correcte. Premièrement, les épisodes pluvieux ne prennent pas naissance à 30 mètres au large de Palavas-les-flots ou de Sète. Il s'agit d'un contexte météorologique à l'échelle d'une partie du bassin méditerranéen. Si l'on veut prendre en compte la température de la mer, il faut alors l'analyser sur l'ensemble du bassin méditerranéen occidental. Enfin, nous pouvons concéder qu'une mer plus chaude favoriserait un contenu en eau précipitable plus important qu'une eau fraiche, en raison de l'évaporation qui se produit en cas de vent marin. Mais la conclusion est la même que précédemment. Sans contexte météorologique favorable, la mer aura beau être à 30°C, aucun épisode cévenol ne se formera.

Première conclusion : Un été caniculaire ne rime pas forcément avec épisode pluvieux. Cela veut dire que nous ne pouvons émettre d'hypothèse dans un sens comme dans l'autre. L'automne pourra bien être très pluvieux comme sec. Il n'y a pas de corrélation directe. Cela dépend avant tout du contexte synoptique. En effet, un anticyclone bien positionné inhibera toute chance de pluie même avec 40°C et une mer à 30°C. Le contraire est aussi valable. Une dépression parfaitement située favorisera les épisodes orageux même avec une mer froide. Pour démontrer cela, nous avons analysé les derniers étés caniculaires afin de les relier aux épisodes pluvieux :

Cela confirme qu'on ne peut lier fortes chaleurs et automnes fortement pluvieux. Prenons l'exemple des 8 et 9 septembre 2002 où l'été avait été globalement de saison et la mer était assez froide pour un début septembre. Cela n'a pas empêcher le drame dont tout le monde se souvient.

II - Un sol sec, accentue-t-il les inondations ?

Nous ne reviendrons pas sur la nécessité d'avoir des conditions météorologiques parfaites. La sécheresse des sols n'influence aucunement la formation des épisodes pluvieux. En revanche, vous êtes nombreux à craindre des effets de ruissellements plus intenses.

- Les inondations sont-elles plus violentes sur sol sec ? La réponse est : oui et non.

Tout d'abord, il faut différencier les inondations liées aux crues et celles liées aux ruissellements urbains. Concernant les ruissellements urbains, comme son nom l'indique, ils interviennent dans des secteurs habités par l'Homme. Ces territoires sont alors souvent construits et bétonnés. Le béton est une surface imperméable générant des ruissellements lors de fortes intensités pluviométriques. Dans ces conditions, une nature sèche ne semble avoir que très peu d'effet, le rapport surface végétalisée / surface bétonnée étant très faible.

Une autre réflexion que certains d'entre vous peuvent avoir : les secteurs peu urbanisés en amont des villes, sur les collines voisines, seront alors plus touchés sur sol sec. La pluie ruissellera plus facilement et cela se répercutera en aval sur les secteurs urbanisés. Répondre catégoriquement à cela est impossible. Notre région possède de nombreuses particularités géomorphologiques dont on appréhende encore mal les effets sur les inondations. En effet, il semble admis qu'un sol gorgé d'eau accentue le risque d'inondations. L'extrême sécheresse du sol peut également empêcher à la pluie de s'infiltrer, le sol étant imperméable (source : Centre Européen de Prévention du Risque Inondation). Le fonctionnement est le même que sur des sols gelés aggravant les ruissellements.

Cependant, d'autres éléments viennent se corréler à cette imperméabilité liée à la sécheresse. La nature du sol influence le ruissellement. Ainsi, une forêt limitera la propagation de l'eau lorsque des vignes n'auront que peu d'effet :

Source : UNIVERSITE DE PICARDIE JULES VERNE / Jacques Beauchamp

Outre le couvercle végétal, la pente est un élément primordial sur l'intensité des ruissellements. On comprend aisément que le ruissellement sera plus fort sur une pente abrupte que sur un terrain plat. Concernant la végétation, la flore méditerranéenne est particulière et adaptée aux conditions généralement sèches. Même si celle-ci peut souffrir du manque d'eau, les effets de la sécheresse impactent moins les arbres typiques de la région comme les différents types de pins et de chênes. Les arbustes comme le genévrier ou le romarin sont également plus ou moins habitués aux étés chauds et secs. Même s'ils peuvent montrer des signes de faiblesse face une sécheresse accentuée, ils sont assez résistants. Ce constat fait, le couvercle végétal peut diminuer en période d'extrême sécheresse, cela reste assez faible pour ne pas avoir un réel impact sur les inondations. Dans la même idée, un secteur affecté par un feu au cours de l'été pourrait favoriser le ruissellement. Là encore, il s'agit de conditions locales difficilement quantifiables. Enfin, notre région est composée de karsts au comportement particulier. En début de saison des pluies, nous pouvons imaginer que ces karts sont vides et peuvent donc accumuler beaucoup d'eau limitant ou au mieux retardant les crues. Là encore, l'impact de ces karts reste assez mal appréhendé dans la prévision des crues.

Conclusion : Chaleur caniculaire et sol sec ne permettant pas d'affirmer que l'automne sera catastrophique sur le plan des épisodes pluvieux. La condition première est le contexte météorologique. Tout comme la température de la mer, la température de l'air peut être un facteur aggravant en cas d'épisode avec une probabilité d'avoir une instabilité de la masse d'air assez important et un contenue en eau précipitable plus conséquent. Toutefois, cet apport n'a pour l'instant pas été quantifié. Concernant le sol sec, celui-ci peut très localement aggraver le ruissellement dans les zones non urbanisées et où le couvercle végétal est déjà faible (terres agricoles, prairies etc...).

III - Pour aller plus loin 

Il existe différentes manières pour mieux comprendre les différents processus hydrologiques sur un bassin versant. Avant tout, il existe deux types de ruissellements :

- par dépassement de la capacité d'infiltration du sol

- sur surface saturée

Nous analysons actuellement l'impact potentiel d'un sol sec sur le ruissellement, c'est pourquoi nous ne décrirons pas le ruissellement sur surface saturée. Le ruissellement par dépassement de la capacité d'infiltration du sol peut aussi être appelé "ruissellement hortonien". Celui-ci survient lorsque l’intensité de pluie (P en mm/h) est supérieure à la capacité d’infiltration instantanée du sol (IC en mm/h) en surface (J. Molénat, J.M. Dorioz, C. Gascuel et G. Gruau). La capacité d'infiltration est alors prise en compte. Ce type de formule est souvent utilisée dans les climats semi-arides ou sur les secteurs concernés par de fortes pluies.

Comprenons le fonctionnement d'un bassin versant et son cycle de l'eau :

Concernant l'infiltration, de nombreux paramètres entrent en jeu. Parmi ceux-là, nous pouvons citer :

- le type de sol

- la compaction du sol

- la couverture du sol

- la morphologie

- le débit d'alimentation

- la teneur en eau initiale du sol

Le facteur le plus important est le type de sol. Autrement la porosité ou la structure de celui-ci influence grandement la capacité d'infiltration de la pluie.

Le modèle Green and Ampt

Ce modèle suppose que le sol est saturé au passage du profil, c'est-à-dire que la teneur en eau dans la zone de transmission est uniforme en temps et en espace et égale à la porosité du sol :

Source : Musy et Soutter, 1991

L'infiltration I va dépendre des propriétés du sol : la porosité Φ, la conductivité hydraulique à saturation Ks [mm/h] et la force de succion Sf [mm], mais aussi de l'eau présente issue des pluies : le déficit en eau (différence entre humidité à saturation et humidité initiale) θsθi [sans dimension]. On rappelle qu'en milieu saturé θs=Φ. On a alors : 


Ce modèle utilise des hypothèses simplificatrices qui limitent son usage à des sols initialement secs et de texture grossière. Il s'agit d'une relation empirique permettant de modéliser le processus hortonien d'infiltration dans le sol. Si vous souhaitez en savoir davantage sur l'application de relations empiriques ou physiques dans les différentes modélisations, nous vous conseillons de vous référer aux différentes thèses d'hydrologues trouvables sur internet.

Pour conclure, à intensité pluviométrique égale, bassin versant égal, les ruissellements seront différents selon si le sol est sec, humide ou gorgé d'eau. Toutefois, ceci n'est qu'une petite partie des nombreux paramètres pouvant influencer sur les ruissellements de surface ainsi que sur l'infiltration. De ce fait, il est difficile d'affirmer que les inondations seront plus dramatiques sur sol sec. En revanche l'inverse est acceptable. Un sol gorgé d'eau accentue les facteurs de ruissellement.

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